Dernier développement du dossier, la question des profits réalisés par l’entreprise et des dividendes qu’elle s’apprête à distribuer généreusement (notamment à l’Etat), ne peut qu’exaspérer par ces temps de crise et de diminution du revenu disponible des classes moyennes.
Dans un rôle de plus en plus ambivalent, l’Etat encore actionnaire de GDF a consenti des hausses importantes du tarif réglementé du gaz, invoquant l’envolée du cours des hydrocarbures en 2008 (argument des plus douteux, compte tenu des contrats à terme dont bénéficie l’entreprise). Bien entendu, en filigrane, l’argument était qu’il fallait préserver l’équilibre financier de Gaz de France en ne lui imposant pas d’augmentations trop modérées de ses tarifs.
Patatras, le résultat 2008, un bénéfice annuel de 6,5 milliards d’euros en hausse de 13% par rapport à 2007, démontre combien la puissance publique ne se soucie plus de l’intérêt général - le meilleur prix aux consommateurs de gaz - mais de l’intérêt des actionnaires, dont elle-même, qui doivent pouvoir se goinfrer toujours plus, crise ou pas crise.
Grâce à une hausse du tarif du gaz en 2008 de plus de 15%, GDF va ainsi distribuer 4,8 milliards d’euros à ses actionnaires, dont plus du tiers à son premier actionnaire, l’Etat.
Que Bercy ait finalement annoncé vouloir toucher cette manne sous forme d’actions et non d’argent sonnant et trébuchant – sans doute en partie pour minimiser le scandale – n’y change rien. Cela indique plutôt que les prévisionnistes du ministère de l’Economie et des Finances misent sur des résultats de plus en plus florissants de l’entreprise, désormais animée par la recherche du profit et assurée que l’Etat jouera dorénavant davantage un rôle d’actionnaire que de régulateur.
Ce système n’est pas acceptable : il s’apparente clairement, s’agissant d’une ressource essentielle, à la mise en place de prélèvements obligatoires cachés, ce qui est d’autant plus choquant qu’il s’applique à une multitude de Français, sans considération de justice sociale en période de crise, et qu’il est le fait de gouvernants qui, par ailleurs, ne cessent de vilipender l’excès d’impôts.
Christine Lagarde, sans doute pour tenter de se faire pardonner, a promis une baisse substantielle du tarif réglementé du gaz au 1er avril. Mais la baisse ne compensera pas l’abus tarifaire de l’année précédente et surtout elle entrera en vigueur à un moment de l’année où les dépenses de gaz des Français sont naturellement beaucoup plus faibles. « Trop peu, trop tard », dénoncent déjà à juste raison les associations de consommateurs…
Quelle solution ? Pour ma part, je n’ai pas changé d’avis et estime toujours que l’idéal serait la mise sur pied d’un grand groupe public de l’énergie, EDF-GDF, assis sur un monopole national. Ce système fonctionnait très bien jusqu’à ce que l’Europe s’en mêle et que nos gouvernants, en 2002, lui lâchent tout en rase campagne. De plus, cela n’interdirait pas, contrairement à ce que l’on entend, le développement international de l’entreprise dans des pays tiers, avec lesquels des accords de partenariat stratégique pourraient très bien être noués. L’exemple d’Areva dans le nucléaire le démontre à l’envi.
En attendant, nul n’est besoin de chambouler la libéralisation du marché de l’énergie en France pour que le gouvernement décide d’une réévaluation transparente et au bénéfice des usagers du gaz des tarifs de GDF. A cet égard, une réelle mise à plat du calcul des prix de cette entreprise, qui n’a jamais eu lieu, est urgente.